Il semble que le printemps pointe enfin le bout de son nez.
Bon ce n’est pas un scoop, puisque cela se reproduit chaque année peu ou prou à la même époque. Abreuvés que nous sommes d’informations toutes moins essentielles les unes que les autres, nous en oublions les fondamentaux : après l’hiver revient le printemps!
Il faut reconnaître que cet hiver frais et humide semblait ne vouloir jamais finir. Mais cette fois c’est sûr, il est derrière. Et même si quelques averses sont encore à craindre par-ci par-là, les températures remontent et le soleil fait de vraies apparitions.
Du coup, la nature reverdit et l’herbe pousse, y compris dans nos vignes. Les premières fleurs sont là et à cette époque nos vignes s’habillent donc en vert et jaune. C’est lumineux et très seyant! Avouez que c’est quand même plus beau (et plus sain) que de l’herbe toute jaunâtre d’avoir été désherbée chimiquement! Sans parler des sols nus où pratiquement plus rien ne pousse, mais ceux-là fort heureusement, on n’en voit plus beaucoup.
C’est bien, c’est beau, l’herbe verte, les petites fleurs jaunes, les oiseaux et les papillons, mais…
Et oui, il y a un “mais”, car dans la nature, tout est question d’équilibre.
La vigne est une monoculture pour laquelle nous essayons de garder le plus de diversité végétale possible. Mais cela doit être compatible avec une production suffisante de raisins qui nous permette de vivre de notre métier (il y a bien longtemps que nous avons abandonné l’idée de devenir riches!).
Si donc nous laissons les plantes sauvages (que l’on appelait à l’école d’agriculture les adventices et qu’il fallait impérativement éliminer) trop envahir notre vignoble, la concurrence risque d’être sévère, pour l’eau en été et pour les minéraux. Voilà pourquoi nous désherbons sous les rangs. Et si, par choix, nous refusons de le faire chimiquement, il faut le faire mécaniquement. C’est ce à quoi nous nous attelons dès que les sols sont suffisamment ressuyés pour permettre le passage des outils. Bon, il reste encore quelques fleurs…
Autre petit problème auquel nous devons faire face : les papillons!
Quoi de plus inoffensif qu’un papillon, pensez-vous en votre for intérieur, et puis il y en a de magnifiques.
S’il n’y en avait qu’un…
Bon il ne s’agit pas de n’importe quel papillon et ce n’est pas vraiment lui qui nous pose problème. Il faudrait dire eux, car ils sont nombreux dans la famille! Ces petites bêtes ont en effet la fâcheuse idée de copuler gaiement dans nos vignes. Les femelles pondent ensuite des œufs sur les raisins, de préférence à l’intérieur des grappes, d’où naîtront de magnifiques petites chenilles, plus communément appelées vers de la grappe (on vous fera grâce des noms latins). Ces vers vont aller grignoter les raisins, avant de se transformer en papillons, qui à leur tour, etc… Et comme cela deux ou trois fois dans la saison. Merci le réchauffement climatique, ce fléau nous était inconnu avant 2003.
Vous vous doutez bien que des petits vers qui dégustent nos raisins, cela ne peut pas faire bon ménage avec une production qualitative, car pourriture et moisissures en tous genres s’en donnent alors à cœur joie pour s’implanter au beau milieu des grappes. Cela fait donc presqu’une dizaine d’années que nous partons plusieurs fois par an… à la chasse aux papillons.
Quand nous n’étions pas en bio, nous utilisions des insecticides de synthèse : efficace, mais dangereux pour la santé! Heureusement, le délai avant récolte est assez long, mais du coup il est parfois difficile de venir à bout de la dernière génération, même avec ces armes redoutables.
Ensuite nous avons utilisé des insecticides bios, beaucoup moins nocifs pour la santé des applicateurs et des consommateurs et aussi pour la faune auxiliaire. Mais leur efficacité aussi est assez modérée…
Nous avons donc décidé cette année d’employer les grands moyens : puisqu’on n’arrive pas à supprimer ces maudits papillons, nous allons les empêcher de copuler. Camarades, allez faire vos galipettes ailleurs!
Le procédé, qu’on appelle “confusion sexuelle”, consiste à installer dans les vignes des capsules qui diffusent les phéromones qui sont émises normalement par les femelles pour attirer les mâles. Ceux-ci sont alors déroutés et ne retrouvent plus les femelles : pas d’accouplement, pas d’œufs, pas de vers…
En principe cela fonctionne, mais avec la nature, rien n’est jamais acquis. Rendez-vous donc aux vendanges pour en mesurer l’efficacité.
En attendant la vigne se réveille de son long sommeil hivernal et le travail ne va pas manquer en ce début de printemps… La vie continue, quoi de plus réjouissant!
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